Madame Bovary, c'est moi !

Publié le par Christophe

 « Tout le monde connaît la phrase de Flaubert « Madame Bovary, c’est moi ». Depuis sa première apparition jusqu’à nos jours, voici quelques exemples du parcours d’une petite phrase devenue célèbre. C’est en 1909, soit 29 ans après la mort de Gustave Flaubert, que « la » phrase apparaît pour la première fois. Une personne qui a connu très intimement Mlle Amélie Bosquet, la correspondante de Flaubert, me racontait dernièrement que Mlle Bosquet ayant demandé au romancier d’où il avait tiré le personnage de Mme Bovary, il aurait répondu très nettement, et plusieurs fois répété : “Mme Bovary, c’est moi ! – D’après moi”. René Descharmes, Flaubert sa vie, son caractère, ses idées avant 1857 . « La » phrase n’est pour l’heure qu’une note en bas de page : une anecdote, de troisième main, enrobée de précautions énonciatives. Mais plus pour longtemps. Il faut se méfier en général des on-dit, mais je suis bien certain que celui-ci n’est pas de l’invention d’une vieille demoiselle. (…) Il ne se trompait pas et il ne trompait pas celle à qui il parlait quand il disait : « Madame Bovary, c’est moi. » A. Thibaudet (1935)

« La » phrase est désormais une certitude. Et c’est Flaubert lui-même qui se charge de la propager.

Flaubert, quand on le questionnait sur ses personnages, sur leur origine et sur la part de réalité qu’il avait mise dans ses œuvres, aimait à répéter : « Madame Bovary, c’est moi ! » R. Dumesnil (1936)
Il ne se contente pas de la dire, il l’écrit aussi.
« Madame B, c’est moi. » écrit-il dans sa correspondance, et ce n’est pas une plaisanterie.
Nathan (1936)
Aveu, boutade, cri, affirmation, exclamation, Flaubert ne cesse plus de “gueuler” sa phrase. 
[…] il ne craignait pas d’avouer : « Madame Bovary, c’est moi ! »A.Pitou (1945)
Sa boutade « Madame Bovary, c’est moi…» est une parole très vraie. J. Suffel (1958)

[…] le fameux cri de Flaubert : « Madame Bovary, c’est moi ! » R.Girard (1961)
« Madame Bovary, c’est moi », affirmait Flaubert ; […]
P. Jolas (1971)
C’est alors lorsqu’il s’exclame : « Mme Bovary, c’est moi ! » que Gustave Flaubert commence à brouiller les pistes. Il est essentiel de le prendre au mot […]H. Juin (1976)
« Mme Bovary, c’est moi. » Que veut dire au juste ce mot célèbre ? Exactement ce qu’il dit.
A. Maurois (1977)
« Madame Bovary, c’est moi » : on en connaît le cri, on en perçoit la résonance. A. de Lattre (1980)

http://perso.orange.fr/jb.guinot/pages/oeuvres5.html

http://www.univ-rouen.fr/flaubert/ 

Flaubert : Madame Bovary   

Les lectures d'Emma 

 

"Madame Bovary" est un roman d'apprentissage du XIXème siècle comme "Bel Ami" ou le "Père Goriot", mais ici il s'agit de l'apprentissage d'une jeune fille. Au lieu d'être le roman d'une réussite, c'est le roman d'un échec. On rapproche ce roman à "Une vie" de Maupassant qui raconte une vie complète, totalement gâchée, d'une jeune fille à partir de sa sortie du couvent. Dès la lecture du titre, on peut se poser une question, pourquoi Flaubert n'a t-il pas appelé son livre "Emma Bovary"? La raison est que le vrai drame d'Emma est son mariage. Flaubert a travaillé son titre, en effet "Bovary" fait penser à bovin. Il montre ainsi l'épaisseur du personnage grâce à ce titre. Emma a donné son nom à une attitude aujourd'hui : le bovarisme. Cela consiste à rêver sa vie plutôt que de la vivre. Ce comportement vient des lectures d'Emma quand elle était jeune. Elle a été très influencée par ses livres et a vécu de nombreuses déceptions : son mariage, son premier amant, sa fille (elle voulait un garçon), le travail de son mari (l'échec de l'opération du pied beau), la relation avec son second amant, sa mort. Le projet de "Madame Bovary" date de 1849, Flaubert lisait à des amis "La tentation du Saint Antoine". Ces derniers le trouvèrent trop lyrique. C'est donc pour se débarasser de ce lyrisme que Flaubert écrivit "Madame Bovary". C'est un texte antiromantique. La rédaction a duré de 1851 à 1856. Ses sources sont les faits divers. De tels thèmes ont choqué et Flaubert a eu un procès pour immoralité, mais a finalement gagné. On retrouve des éléments autobiographiques comme la Normandie très chère à Flaubert. Il a dit : "Les perles ne font pas le collier, c'est le fil". Le livre s'ouvre et se ferme sur Charles, un personnage médiocre. Le livre se divise en trois parties qui correspondent aux lieux de la vie d'Emma. A chaque fois, ils s'agrandissent comme la volonté d'Emma d'avoir une vie meilleure. Mais l'ennui revient toujours. Il y a des temps forts et des temps d'ennui : le bal, la liaison avec Rodolphe puis avec Léon, mais ces événements sont suivis de dépressions où seul Charles revient pour s'occuper d'Emma. La mort d'Emma arrive avec l'aveugle. On voit qu'elle n'échappera pas à son destin, à la fatalité. 


Le passage des lectures d'Emma se situe dans la première partie du roman. Charles a déjà été introduit et a épousé Emma. Flaubert fait un retour en arrière sur l'éducation d'Emma au couvent. 

Texte :

Il y avait au couvent une vieille fille qui venait tous les mois, pendant
huit jours, travailler à la lingerie. Protégée par l'archevêché comme
appartenant à une ancienne famille de gentilshommes ruinés sous la
Révolution, elle mangeait au réfectoire à la table des bonnes soeurs, et
faisait avec elles, après le repas, un petit bout de causette avant de
remonter à son ouvrage. Souvent les pensionnaires s'échappaient de
l'étude pour l'aller voir. Elle savait par coeur des chansons galantes du
siècle passé, qu'elle chantait à demi voix, tout en poussant son aiguille.
Elle contait des histoires, vous apprenait des nouvelles, faisait en ville
vos commissions, et prêtait aux grandes, en cachette, quelque roman
qu'elle avait toujours dans les poches de son tablier, et dont la bonne
demoiselle elle-même avalait de longs chapitres, dans les intervalles de
sa besogne. Ce n'étaient qu'amours, amants, amantes, dames persécutées
s'évanouissant dans des pavillons solitaires, postillons qu'on tue à tous
les relais, chevaux qu'on crève à toutes les pages, forêts sombres,
troubles du coeur, serments, sanglots, larmes et baisers, nacelles au
clair de lune, rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme
des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l'est pas,
toujours bien mis, et qui pleurent comme des urnes. Pendant six mois, à
quinze ans, Emma se graissa donc les mains à cette poussière des vieux
cabinets de lecture. Avec Walter Scott, plus tard, elle s'éprit de choses
historiques, rêva bahuts, salle des gardes et ménestrels. Elle aurait
voulu vivre dans quelque vieux manoir, connue ces châtelaines au long
corsage, qui, sous le trèfle des ogives, passaient leurs jours, le coude
sur la pierre et le menton dans la main, à regarder venir du fond de la
campagne un cavalier à plume blanche qui galope sur un cheval noir.

Publié dans desiderio

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